Avec le monde qu’on croise sur la piste de la Gibb river, on a pris la décision de se rendre aux Mitchell Falls dans l’espoir de trouver une expérience un peu plus sauvage. Pour cela, on doit emprunter la piste de Kalumburu à mi-parcours de la piste de la Gibb River. Cette piste est souvent réputée en bien moins bon état que la Gibb en elle-même. Mais, vu la relative facilité de la Gibb à cette période de l’année, on part assez confiant.
Kalumburu road
C’est déjà le milieu de journée lorsqu’on arrive au croisement entre la piste de la Gibb River et celle de Kalumburu. À partir d’ici, c’est normalement 5h30-6h de piste qui nous attend, dont 2h-3h sur une piste plus défoncée. On fait donc une pause rapide sur l’aire qui se trouve au croisement pour éviter de rouler de nuit. On est alors surpris de voir qu’un van se lance sur la Kalumburu. Il ne s’agit pas d’un van 4×4 surélevé, non non, tout ce qu’il y a de plus classique ! Comment a-t-il fait pour arriver jusqu’ici ? Chapeau l’artiste ! Cela veut sans doute dire que la deuxième moitié de la Gibb est aussi bonne que la première. Il est quand même accompagné d’un 4×4 sans doute pour l’aider en cas de difficulté et lors des traversées de rivières.
Les premiers kilomètres sont du même acabit que la Gibb. Mais, très vite les corrugations font leur apparition avec cette forme de tôle ondulée. Alors, le véhicule vibre et nous secoue dans tous les sens. Au bout de 10-15 minutes, on croise finalement le van qui fait demi-tour. Il nous semblait bien que cela était un poil trop ambitieux, c’est déjà un sacré challenge de faire la Gibb River en van ! Alors la Kalumburu road, c’est encore autre chose ! Peu de temps après, on doit traverser une rivière. C’est le moment le plus sympa de cette route, car après on est pendant 2h au milieu des arbres sur un tape-fesses. Mis à part les corrugations parfois extrêmes de la piste, la Kalumburu ne présente donc pas de difficulté particulière.
La piste des Mitchell Falls
On profite du carrefour avec la piste de Mitchell Falls pour se dégourdir une dernière fois les jambes. On tient le bon bout, il nous reste plus que 90 km. Normalement la piste se dégrade fortement à partir d’ici alors il faut encore compter 3h-3h30 de route ! Je te laisse faire le calcul pour imaginer l’allure qu’on va avoir. La nuit tombe à 18h, il nous reste donc peu de marge pour arriver avant la nuit.
On s’attendait à ce que la piste soit défoncée, finalement, on est agréablement surpris par son état plutôt correct. Elle est juste plus étroite (on passe difficilement à deux voitures de front) et surtout beaucoup plus sinueuse au milieu de la forêt. On enchaîne les virages et les crêtes. Et puis, il y a parfois de gros rochers qu’il faut franchir au ralenti pour ne pas exploser un pneu. C’est cette imprévisibilité à chaque tournant qui fait qu’on roule à seulement 30-40 km/h.
Traversée du gué de la King Edward River
L’environnement de la rivière King Edward qu’on doit traverser est vraiment joli. Des galets tapissent le fond de la rivière et la végétation verdoyante prend des airs de forêt tropicale avec les palmiers.
Juste après, il y a une zone avec des peintures aborigènes, mais on réserve cela pour le retour, car le temps nous est compté avant le coucher du soleil. La suite de la piste est du même acabit que le début avec parfois des lignes droites, parfois des portions vraiment mauvaises avec rochers, trous et corrugations. La végétation change aussi petit à petit avec les palmiers qui se font de plus en plus présents. C’est l’une des caractéristiques du plateau sur lequel s’étend le parc national de Mitchell River.
On a la chance qu’il n’ait pas plu depuis un certain temps, du coup la piste est totalement sèche. Détrempée, cela doit être une tout autre affaire comme le montre la végétation en bord de piste, qui est recouverte d’une espèce couche de boue ! Dans ces conditions, on met finalement moins de temps que prévu. On arrive au camping qui se trouve au terminus de la piste après 2h30 de vigilance accrue.
Camping de Mitchell Falls
Le camping est loin d’être désert. Mais, rien non plus de comparable avec ce qu’on a vécu la veille au camping de Bell gorge. On n’est pas entassé les uns sur les autres. Le camping est au milieu de la forêt et permet d’aménager son petit coin d’intimité. Comble du luxe dans un lieu aussi isolé, il y a des toilettes avec chasses d’eau et un robinet d’eau (à traiter quand même). C’est sûr que cela rajoute du confort, mais cela enlève un certain charme à une expédition qui se veut un retour à la nature vierge et sauvage non ? On installe notre campement en un temps record juste avant que la nuit recouvre les lieux. Le repas du soir est assez succinct. Après des heures à conduire sur les pistes ensablées, on s’endort comme des bébés alors qu’il n’est même pas 20h30…
Randonnées des Mitchell Falls
Rythme de l’outback oblige , on se réveille une nouvelle fois à 5h. Ce matin, pas de piste, mais une randonnée de 9km aller-retour pour découvrir les Mitchell Falls. Cela va faire du bien aux jambes, et on espère bien pouvoir se baigner pour se décrasser de la poussière de la piste. Le sentier mène rapidement aux Little Mertens Falls (800 m aller). Juste après la saison humide, des bassins au-dessus de la falaise peuvent donner l’impression d’être dans une piscine à débordements, mais aujourd’hui le niveau est trop bas et la cascade ne coule déjà plus. Par contre, le bassin en dessous est propice à la baignade. On garde cela pour le retour.
Un peu plus loin, on arrive aux Big Mertens falls (2,5 km aller). Les chutes plongent dans Mertens Gorge, une gorge profonde et abrupte. Les lieux sont impressionnants, mais la chute d’eau est presque à sec en ce début juillet.
En arrière des chutes, il y a un petit bassin (Little Billagong) entouré d’une végétation luxuriante et recouvert de nénuphars. On dirait presque un jardin japonais. Le reste du sentier consiste à grimper au milieu d’amas de roches agrémentés de quelques bassins.
Les Mitchell Falls
À la fin du sentier, on surplombe la rivière donnant naissance aux Mitchell Falls. On ne peut pas s’empêcher d’escalader les rochers par la droite pour découvrir ces cascades impressionnantes qui se jettent les unes après les autres.
Mais la randonnée n’est pas encore terminée. Les chutes ne révèlent vraiment toute leur beauté que depuis le promontoire rocheux d’en face. Pour cela, on doit longer Mitchell River avant de la traverser à un endroit précis. À cette période de l’année, l’eau n’est pas très profonde, alors cela se fait sans encombre. Un héron se tient d’ailleurs fièrement dans l’eau comme pour nous surveiller.
La vue qu’on découvre d’en face est tout simplement grandiose. Après tout ce chemin parcouru pour arriver ici, l’instant est chargé d’émotions. Avoir cet endroit rien que pour nous en cette heure matinale est un pur bonheur ! On se trouve même un promontoire rocheux avec vue sur les chutes pour petit-déjeuner. Aujourd’hui après tant de pistes poussiéreuses, on prend notre temps ! On s’imprègne des lieux et des sons de la nature, on observe, Pierrick mitraille et moi (Sandrine) je prends le soleil sur mon transat rocheux. C’est aussi le luxe d’avoir le temps qui nous permet d’apercevoir un crocodile s’animer aux bas des chutes. Le panorama est sublimé par les rayons du soleil qui finissent par illuminer toutes les parois rocheuses des chutes.
La magie des lieux compromise
Après deux heures sans aucune trace de vie humaine dans les lieux. On commence à apercevoir d’autres visiteurs sur le versant opposé, mais ceux-ci se font discrets. Par contre, de drôles d’animaux à hélices nous enveloppent dans un brouhaha insupportable : des hélicoptères. Ceux-ci survolent l’endroit à plusieurs reprises et restent de longs moments au-dessus des chutes.
Les consignes du début du sentier demandant aux randonneurs de respecter la tranquillité et le calme des lieux de ce site sacré pour les aborigènes nous reviennent étrangement aux oreilles. On pourrait bien être 100 à hurler au sol qu’on ferait toujours moins de bruits que ces engins… Alors bien sûr quand il est question d’argent, on met de côté le respect de la culture aborigène aux orties et la protection de l’environnement. Bienvenue dans le monde moderne… !
On comprend que c’est aussi une manière de rendre les lieux accessibles pour des personnes qui ne sont pas en bonne forme physique. Mais, des moments il faudrait aussi que les gens acceptent que certaines choses ne soient pas accessibles sans un certain effort surtout que le chemin pour y arriver est souvent une partie importante du voyage. À ce jeu, verra-t-on un jour un ascenseur construit dans la montagne pour atteindre le sommet de l’Everest sous prétexte que l’itinéraire montagneux est trop difficile ?
Baignade dans la Mitchell River
D’autant que les lieux ont plus à offrir qu’une jolie vue. Après plusieurs heures de tranquillité à observer les Mitchell Falls, on rebrousse donc chemin. On croise les premiers touristes déposés par les hélicoptères. On se trouve un super spot entre les rochers au bord de la rivière où on peut étendre nos serviettes. Ici, pas de crocodiles, pas de foule, mais des petits poissons et de la végétation. Trop cool ! Après tous ces jours dans la poussière de la piste, on ne boude pas notre plaisir de ce petit décrassage !
Little Mertens Falls
Sur le chemin du retour, en milieu d’après-midi, on emprunte un sentier discret qui permet d’accéder au bassin situé en dessous des Little Mertens Falls. Sous cette cascade (sèche à cette période), il y a une sorte de grotte avec des dessins aborigènes.
Le bassin est également l’endroit rêvé pour une petite baignade. On ne refuse pas un autre rafraichissement. L’endroit est paradisiaque avec la végétation qui se reflète dans l’eau. Il ressemble à des lieux reconstitués dans certains hôtels et pourtant tout est naturel ! Les pieds dans le sable et le corps dans l’eau, à plus de 500 km de toute civilisation, on se sent étrangement vivant. Un retour à l’essentiel qui procure un bien-être indescriptible !
La piste infernale des Mitchell Falls
Une heure avant le coucher du soleil, on est de retour au camping après cette journée paradisiaque. On aurait pu facilement rester 2 ou 3 jours pour profiter d’un tel endroit, mais notre séjour en Australie tire vers sa fin. Alors, on fait le choix de reprendre la piste pour éviter de payer une deuxième nuit de camping et pour s’avancer un peu pour le lendemain.
Maintenant qu’on sait à quoi s’attendre, on se remet en route sans appréhension. En 1h, on fait presque la moitié de cette piste infernale. On repère alors une aire de repos, où un groupe d’Australiens est déjà installé. On s’installe ici pour la nuit. Ils nous proposent de les rejoindre autour d’un feu en fin de soirée, mais malheureusement on est épuisé et demain on doit se lever encore à 5h pour une journée de route. Dommage, c’est assez frustrant de se dire qu’on rate une belle occasion de faire des rencontres parce qu’on est à la fin de notre voyage.
Au coeur de l’art aborigène
Aujourd’hui, on se lève encore une fois aux aurores, car on a beaucoup de route devant nous et on aimerait profiter des sites aborigènes que nous avions sautés à l’aller. On remet en route notre routine de rangement et très vite on est sur la piste. La route est entrecoupée par l’exploration d’un premier site de peintures aborigènes : Bradshaws Wandijina Burial site. Les peintures sont difficiles à repérer. On tourne un moment avant de trouver les plus jolis dessins. On est seuls sur les lieux ou presque, alors on fait la rencontre de plusieurs serpents noirs et longs qui vivent dans les parages. On est en tongs, alors on ne fait pas les malins ! En dehors de cela, le site est intéressant. Il y a notamment un abri sous des rochers et une sorte de tombeau avec des squelettes. Il ne faut pas hésiter à explorer l’endroit pour découvrir les plus beaux dessins.
Un peu plus loin sur la piste, on arrive à un deuxième site aborigène : Bradshaws Rock Art. Le sentier est plus aménagé, mais les peintures sont magnifiques et très colorées. On cherche à en voir depuis un moment et pour le coup on est servi ! Décidément, on ne regrette pas d’avoir fait toute cette route jusqu’aux Mitchell Falls.
Une piste achalandée
Lorqu’on reprend la piste, on doit rapidement traverser la King Edward River. Au même moment, il y a aussi un de ces bus 4X4 qui arrivent en sens inverse. On le laisse donc traverser d’abord comme on veut prendre le temps de faire une vidéo. Celui-ci s’arrête juste après et une dizaine de touristes descendent du bus pour filmer notre traversée. Et oui on est des stars! Comme l’eau est transparente et qu’il n’y a pas de crocodiles à première vue dans les parages. Sandrine risque la traversée à pied pour filmer celle de la voiture. Je n’ai pas le droit à l’erreur sinon c’est un peu la honte.
C’était le dernier moment épique de la piste infernale des Mitchell Falls. Quinze minutes plus tard, on rejoint la Kalumburu road. On trouve cette piste toujours aussi longue entre ses corrugations et sa monotonie. Par contre, on est surpris de croiser autant de véhicules. Clairement, cela doit être le début des vacances. Heureusement qu’on a visité les Mitchell Falls la veille ! On arrive au carrefour avec la Gibb River Road 2h30 plus tard, non sans se faire quelques frayeurs avec la baisse de vigilance.
Là aussi, on est surpris de voir autant de monde sur l’aire de repos. Dix minutes plus tard, les gens sont partis et notamment la quarantaine de touristes en bus 4X4. Comme quoi, en l’espace de 10 min, l’impression peut être tout à fait différente.
Notre avis
Finalement, on sort de cette expédition plein d’émotions et d’images dans la tête. Les 250 km de piste pour rallier les Mitchells Falls peuvent en décourager certains, mais la récompense à l’arrivée en vaut la chandelle. La piste d’accès est d’ailleurs en soit toute une expérience. Sans oublier les magnifiques peintures aborigènes qu’il est possible de découvrir en chemin ! Les Mitchell Falls ne nous ont pas non plus déçus, bien au contraire ! Cela nous a permis de passer une journée inoubliable dans l’environnement sauvage des Kimberley. Cette aventure est définitivement une de nos plus fortes expériences de l’Australie. Si tu as la possibilité de le faire, FONCE (pas trop vite quand même cela pourrait être dangereux ) !
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